Little Jones – XIII Mystery

Attachante cette jeune Jones, orpheline noire des quartiers noirs défavorisés, qui pour survivre avec son frère, doit chaparder et faire preuve de débrouillardise ainsi que d’un fort caractère impressionnant les adultes.

Yann nous livre une intrigue haletante qui n’a rien à envier aux premiers tomes de la série XIII. Il est cependant dommage qu’il est voulu réunir au sein d’une famille, un père, mélange de Martin Luther King et de Malcom X, une fille sosie de Angela Davis, ce qui rend l’histoire moins crédible et accentue un côté caricatural dont la bande dessinée à déjà du mal à se départir même si on sait que le genre l’impose. Les noms des autres célébrités sont à peine déformés : on reconnait Polansky, Sharon Tate et Edgar J hoover. Cependant cette plongée dans l’histoire américaine de la fin des années 60 demeure savoureuse. Quant au dessin de Henninot, l’absence de traits de mouvements compensée par la netteté de son trait et le rythme des vignettes suffisamment nerveux rendent l’ensemble très dynamique.

La Figue

Lucky Luke contre Pinkerton

Voici faite la démonstration qu’une longue série n’est pas irrémédiablement condamnée à s’auto-détruire. Bien souvent, quelque soit le prestige de la série ou le talent de ses auteurs, la plupart voit leur qualité décliner et ne doivent leur continuation que grâce à la dévotion de leurs fans. Rien de plus triste que de voir une série qu’on a aimée sombrer dans l’auto-célébration, pire l’auto-dérision synonyme du plus cruel manque d’inspiration.

Les Celinedionneries québécoises de Gerra ont cédé la place au travail de Daniel Pennac et de Tonino Benacquista déjà largement connus pour leurs travail de romancier. Tant dans l’humour que dans le sujet choisi, on est un cran au-dessus. La série de gags en page 29 sur la délation, pivot du système Pinkerton, souligne avec humour l’univers pré-Kavkaïen de la célèbre agence de renseignement. L’accent est tellement mis sur l’entreprise totalisatrice de Pinkerton qu’on se demande si les auteurs n’ont pas entrepris un album politique.

Les méthodes modernes de l’agence sont l’occasion d’un petit clin d’œil à la série télévisée « Les Experts ». Deux moments particulièrement réussis comme les planches détaillant les méthodes de filatures et de surveillances des agents de Pinkerton et celles concernant la rumeur de la mort de Lincoln sont parmi les plus rôles de l’album. Quant au dessin de Achdé, il est irréprochable et totalement fidèle à celui de Morris.

La Figue.

L’Enfer, le silence – Blacksad

On devrait interdire à des auteurs de bande dessinée de prendre autant de temps pour faire un album. Cinq ans c’est long : imaginez que lorsqu’est sorti L’âme rouge, Facebook n’existait pas et qu’il ne pleuvait pas encore en Artique. Alors plus jamais ça hein ?

Une ouverture silencieuse et somptueuse toute en plans rapprochés dans des tons rouges et ocres que ne bouderait pas un cinéaste amoureux de plans léchés. Puis relâchement de la tension dès qu’on découvre nos héros assistant à un streep tease dans un cabaret de la Nouvelle Orléans.

Comme toujours Guarnio et Gomez parviennent à alterner entre le polar le plus noir et quelques notes gaies et d’espoir qu’ils distillent par endroit. On ressent un amour immodéré pour les costumes, les voitures, les objets, la littérature et toute l’iconographie de l’Amérique des années 50 parfaitement rendue et que le bestiaire crée par les auteurs investit magnifiquement. Pour se convaincre d’avantage que Blacksad est sans doute une des plus grande réussite dans la bande dessinée anthropomorphique, il n’est qu’à prêter attention aux expressions des personnages et au choix de tel ou tel animal en fonction du caractère ou du statut social du personnage inventé.

Ils nous livrent enfin de splendides vignettes comme les scènes de Carnaval où le coloriste a pu donner toute la mesure de son talent. On espère des sérigraphies pour très bientôt.

La Figue

Snuff

C’est une plongée dans une violence parfois matinée de gag et d’absurde que nous propose les auteurs de ce Snuff album. Le rythme saccadé, l’univers urbain fait de flingues à gros calibres, de grosses américaines, de costumes sombres, de dessins anguleux et de tâches de sang rouge vif donne l’impression de se revisionner le Pulp Fiction de Tarentino croisé avec un vidéoclip de Gorillaz.

Impossible de ne pas penser également à Spoon et White au vu du dessin de Xavier Lemmens et de l’ambiance trépidante que déroule Philip Nihoul. Mais ici nous ne sommes plus dans l’univers burlesque des deux flics les plus désespérant de stupidité que la bande dessinée a pu produire mais plutôt dans un entre deux balançant entre le désespoir cru des personnages et l’ironie des répliques, deux éléments essentiels du polar noir.

Le personnage d’Ismaël n’est certes pas très original. On a en effet déjà vu ailleurs des tueurs imprégnés de rigorisme religieux invoquant l’Apocalypse et l’Ancien Testament quand ils font expier les âmes les plus noires à coup de 357 magnum : dommage que les auteurs aient un peu trop appuyé ce personnage. Le fait d’avoir distillé beaucoup d’action lisse l’ensemble. Cette répétition de scènes violentes affadit également un peu la spectaculaire scène finale qui du coup est affaiblie dans son nécessaire effet de suspense destiné à donner envie au lecteur de lire la suite de cette aventure. Mais on attend cependant le prochain tome avec grand plaisir. La couverture de l’album très efficace est également à saluer.

La Figue