L’apocalypse selon Saint Jacky – Blast

Il est des formats de bande dessinée que peu d’auteurs oseraient proposer à un éditeur. « L’Apocalypse selon Saint Jacky » contient pas moins de 200 pages quasiment toutes en noir et blanc. Ajouter à cela que le thème de l’histoire tourne autour du dépouillement matériel, d’une certaine forme de recherche spirituelle ou encore de la désocialisation, et vous obtenez ce qui est communément appelé une œuvre difficile.

Mais seulement voilà, quand le dessinateur et le scénariste ne sont autres que Manu Larcenet, il faudrait de la part d’un éditeur être fou pour ne pas publier cette histoire, et de la part d’un lecteur lambda être devenu oublieux de séries telles que « Le Combat Ordinaire » ou « Le Retour à la Terre ». Quand on se souvient des planches de Larcenet chez Fluide Glacial avec son héros « Bill Baroud », on se demande quel trajet étrange a pu suivre son cerveau pour arriver à une histoire aussi noire et désenchantée que celle qu’il nous propose ici. Même si on sentait poindre dans « Le Combat Ordinaire » une forme de dépression ou de doute mélancolique, on peut avoir quelques inquiétudes sur le moral de Larcenet à la lecture des premières planches du présent ouvrage.

L’ensemble des dessins est en lavis de gris ; les couleurs, toutes en crayonnés enfantins, ne sont employées que quand le héros, Polza Mancini, parvient à atteindre ce qu’il nomme l’état de blast. Le blast désigne habituellement les effets sur l’intérieur d’un corps provoqués par une explosion. Ici c’est presque la même chose excepté que l’explosion n’est pas provoquée par une bombe mais par un choc psychique. Dans le tome précédent c’est la mort du père du héros qui avait déclenché son premier blast. Depuis, il a quitté son travail et vagabonde sur les routes pour tenter de retrouver cet état de blast.

On retrouve dans cet album quelques obsessions de Manu Larcenet. Au delà des relations père-fils ou du manque de sociabilisation, on retrouve l’aversion de l’auteur pour les chasseurs et pour la violence de groupe. L’histoire policière, quant à elle, commence à structurer de plus en plus le récit, tandis qu’est de plus en plus accentué le dégoût du héros de lui même, et qu’est d’avantage développé le sens de sa démarche.

Lafigue.