Un nommé Boyington – L’escadrille des têtes brûlées

Bien loin du personnage incarné par Robert Conrad à l’écran dans la série « Les têtes brûlées » (Baa Baa Black Sheep en version originale), déjà buveur, indiscipliné et bagarreur, Pierre Veys nous libre un Pépé Boyington super alcoolique, super indiscipliné et super bagarreur, sans doute plus proche de la réalité. Le maître mot de cet album est le réalisme, tant sur la biographie du héros que sur le soin apporté aux avions et aux figures et tactiques aériennes.

La réalité est un peu sèche car on attend bien longtemps avant de voir Pépé commettre ses premiers exploits dans la Chine envahie par les japonais. Cloué au sol il doit ronger son frein avant de pouvoir se livrer à quelques acrobaties à bord, non pas encore du célèbre Corsair, mais du modèle P-40 dont la tête de requin dessinée sur la carlingue avant lui donne un air plus que hostile.On aurait souhaité que les coloris des personnages soient aussi réussis que ceux des différents modèles d’avion. En effet celle-ci est trop lisse pour un dessin aussi réaliste, y compris dans ses effets de dégradé, et donne un rendu assez froid qui donne l’impression d’avoir des personnages en cire plutôt qu’en chair et en os. De plus le mode de narration très ancré sur les bandeaux de textes des hauts de vignettes enlève beaucoup de dynamisme à l’histoire. On a plus l’impression d’un dessin illustrant du texte plutôt qu’ une action narrative avec une forte interaction entre le texte et l’image, caractère propre à la bande dessinée. Cela gâche un peu le réel plaisir qu’on a de retrouver un des héros de notre enfance. Mais l’impatience que le lecteur a de voir Boyington déployer tous ses talents sur le théâtre d’opération qu’on lui connait compense très largement les critiques qu’on peut faire de ce premier tome.

Lafigue.

La position du tireur couché

Le thème du truand qui décide de raccrocher les gants, pour enfin goûter à son petit coin de paradis qu’il s’est patiemment bâti au fil d’années passées en turpitudes, n’est pas nouveau. Celui qui a vécu par les armes peut il goûter à la paix ? N’y a t’il pas une sorte de justice invisible qui vient mordre la nuque de celui qui pense vivre sa retraite sans remords.

Plus que jamais les personnages imaginés par Manchette sont rugueux, les répliques sont sèches et il n’y a guère de place pour aller creuser la psychologie de personnages qui ne s’embarrassent guère de psychologie et autres sentiments dont il n’y a que faire dans un polar d’ailleurs. Et quand les sentiments s’expriment, ils sont violents : la régulière de Martin lui crache au visage ou dévaste son appartement, c’est selon l’humeur. La plupart des protagonistes sont des crapules dans ce roman, certains sont stupides et au mieux certains ne sont que simplement déjantés. L’action s’enchaine à merve

Little Jones – XIII Mystery

Attachante cette jeune Jones, orpheline noire des quartiers noirs défavorisés, qui pour survivre avec son frère, doit chaparder et faire preuve de débrouillardise ainsi que d’un fort caractère impressionnant les adultes.

Yann nous livre une intrigue haletante qui n’a rien à envier aux premiers tomes de la série XIII. Il est cependant dommage qu’il est voulu réunir au sein d’une famille, un père, mélange de Martin Luther King et de Malcom X, une fille sosie de Angela Davis, ce qui rend l’histoire moins crédible et accentue un côté caricatural dont la bande dessinée à déjà du mal à se départir même si on sait que le genre l’impose. Les noms des autres célébrités sont à peine déformés : on reconnait Polansky, Sharon Tate et Edgar J hoover. Cependant cette plongée dans l’histoire américaine de la fin des années 60 demeure savoureuse. Quant au dessin de Henninot, l’absence de traits de mouvements compensée par la netteté de son trait et le rythme des vignettes suffisamment nerveux rendent l’ensemble très dynamique.

La Figue

Lucky Luke contre Pinkerton

Voici faite la démonstration qu’une longue série n’est pas irrémédiablement condamnée à s’auto-détruire. Bien souvent, quelque soit le prestige de la série ou le talent de ses auteurs, la plupart voit leur qualité décliner et ne doivent leur continuation que grâce à la dévotion de leurs fans. Rien de plus triste que de voir une série qu’on a aimée sombrer dans l’auto-célébration, pire l’auto-dérision synonyme du plus cruel manque d’inspiration.

Les Celinedionneries québécoises de Gerra ont cédé la place au travail de Daniel Pennac et de Tonino Benacquista déjà largement connus pour leurs travail de romancier. Tant dans l’humour que dans le sujet choisi, on est un cran au-dessus. La série de gags en page 29 sur la délation, pivot du système Pinkerton, souligne avec humour l’univers pré-Kavkaïen de la célèbre agence de renseignement. L’accent est tellement mis sur l’entreprise totalisatrice de Pinkerton qu’on se demande si les auteurs n’ont pas entrepris un album politique.

Les méthodes modernes de l’agence sont l’occasion d’un petit clin d’œil à la série télévisée « Les Experts ». Deux moments particulièrement réussis comme les planches détaillant les méthodes de filatures et de surveillances des agents de Pinkerton et celles concernant la rumeur de la mort de Lincoln sont parmi les plus rôles de l’album. Quant au dessin de Achdé, il est irréprochable et totalement fidèle à celui de Morris.

La Figue.