Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ? – Ralph Azham

Si vous avez raté le début : Ralph Azham est détesté par l’ensemble des habitants de son village. En effet, pressenti pour être l’élu, il n’est finalement dépositaire que du don de voir les morts et les naissances. Régulièrement rossé par les villageois, il retrouve un peu de crédit auprès de ses concitoyens, en repoussant une horde hostile, ce qui va lui mettre un peu de baume au cœur pour entamer une quête périlleuse. Forcément périlleuse, parce que sinon c’est pas la peine de se casser la nénette à faire des quêtes à tous les confins du monde connu !

Qu’on se le dise, Trondheim est en forme. Cette nouvelle série trouve immédiatement son ton et le lecteur retrouve lui l’humour empreint de tristesse qui caractérise ses œuvres. Des considérations philosophiques sur la vie ou les rapport humains parsèment l’histoire, un peu comme le faisait Lapinot.

Tondheim construit son récit à rebours en nous livrant petit à petit les éléments nécessaires à la compréhension. Il profite de cet album pour changer un peu la couleur qui ici a une texture moins froide que les aplats auxquels il nous a habitué dans ses « Petits riens de Lewis Trondheim » notamment . On sent bien qu’il se régale dans le genre de l’héroïc-fantasy, où régulièrement des personnages principaux, souvent faibles et un peu couards, parviennent toujours à faire en sorte que l’on s’attache à eux. Ici, le protagoniste central, Ralph est un anti-héros qui rassemble un peu le cynisme de Richard et l’humour mélancolique du regretté Lapinot.

Sachant que l’auteur n’hésite pas à faire mourir ses personnages, recommandons simplement au lecteur de ne pas trop s’attacher à ce héros et encore moins aux seconds rôles. Il n’est pas impossible que l’on perde du monde en route.

En route pour le suivant

Lafigue.

Le piège machavelique – Philip et Francis

Pour un français, l’Angleterre est un pays qui lui semble déjà décalé : on roule à gauche, les policiers ne sont pas armés, le poulet est à la menthe et la musique y est pop. Et bien prenez ce pays décalé et décalez le encore : vous obtenez l’univers loufoque du piège machiavélique imaginé par Veys. Les bus Imperiales sont plus simples mais triple étage, les taxis sont aveugles, Olrik est premier ministre de Grande Bretagne, et plus grave, Marks et Spencer n’existe plus et c’est une chaîne appelée Spencer e Marks qui a pris sa place. Anguishing isn’t it ?

La ligne claire, déformée et animée, au servie du détournement et de l’humour de Nicols Barral ajoute un côté sale gosse, fier de son crime de lèse majesté à envers cette série dont on parcourt le présent tome avec plaisir.

Lafigue

Qui a tué le président ? – Jour J

On est toujours surpris, en lisant cette série, de la crédibilité des uchronies qui y sont proposées. Kennedy battu en 1960 et Nixon élu à sa place. Après tout d’après les communicants politiques, cette élection se serait essentiellement joué sur la mauvaise qualité de Nixon lors du débat politique télévisé entre les deux candidats que des millions d’américains avaient suivi à l’époque. Le visage brillant et dégoulinant de sueur de Nixon aurait déplu aux américains alors que le visage amical et poupin de JFK aurait d’avantage séduit.

Les années qui suivent l’élection imaginaire de Nixon sont marquées par une très forte restriction des libertés : chasse au hippie, lutte sans pitié contre les organisations d’extrême gauche telles que le Black Panthers Party ou les Weather men. On est pas loin de l’actuel Patriot Act ou des barbouzeries réellement téléguidées par Hoover, éternel directeur du FBI.

Les auteurs réalisent le fantasme de bien des étudiants contestataires des années 60 : l’assassinat de Nixon. Il ne s’agit plus de lutter contre le conflit vietnamien mais d’éviter une troisième guerre mondiale. Les scénaristes, nombreux pour l’album, construisent un récit contenant un long flash back traitant de la période indochinoise du héros. Peut être aurait il été préférable d’ajouter d’avantage de rebondissement à la partie relatant l’assassinat de Nixon plutôt que de s’attarder sur ce long retour en arrière. Mais cela ajoute un côté inéluctable à ce qui va se produire, effaçant du coup les critiques éventuelles sur la vraisemblance de cette histoire. Le dessin dynamique de Wilson Colin anime l’ensemble même si subsistent ça et là des erreurs comme cette erreur d’encrage sur la serveuse de la 5eme vignette de la page 7 : Le trait est trop fort, même dans les parties les plus éloignées du personnage. Mais cela est contrebalancé par exemple par de superbes effets d’ombres à la Franck Miller qui nous rappellent que c’est bien aux USA que se déroule cette histoire de fous.