Le Voyage des cendres – Une enquête de l’inspecteur Canardo

Dans cet album on découvrira que les seules collines du plat pays de Belgique sont les formes rebondies de ses femmes. On y parcourra les coins les plus mornes à forte brutalité rurale selon les termes employé par l’un des personnages. On retrouvera le conflit linguistique porté haut et fort par un couple de Ténardiers locaux. en débit de la bassesse des héros de cet épisode, Canardo conserve face à l’inévitable mélancolie qui ne peut que gagner tout canard normalement constitué, confronté à tant de bas instincts, son inexpugnable flegme savamment entretenu par l’alcool et les cigarettes.

La Belgique sied décidément très bien au plus séduisant des palmipèdes.

Chroniques diplomatiques – Quai d’Orsay

Alexandre Taillard de Worms, le ministre des Affaires Étrangères pour lequel Arthur rédige des discours est le portrait craché de Dominique de Villepin. Est il fidèle à l’original ? On peu raisonnablement penser qu’il lui ressemble quand on sait que le scénariste de l’histoire, Abel Lanzac, a lui même travaillé au quai d’Orsay. Il utilise ici la fiction pour livrer un témoignage.

Et il nous le rend attachant ce ministre : exalté, brouillon, pénétré d’une vision du rôle que doit jouer la France dans le monde. Ce dernier demande à ses collaborateurs une disponibilité de tous les instants. Il veut les convertir à ses oracles géopolitiques et n’hésite pas à puiser la source de sa réflexion politique chez Héraclite ou dans un ouvrage de poésie qu’il brandit devant ses subordonnés. C’est une tornade, et un souffle de vent permanent suit l’homme d’action qu’il est. Le temps politique est trop long pour cet homme pressé qui donne en permanence à ses collaborateurs l’impression de penser à un niveau au-dessus. Le scénario tourne cependant en dérision la structuration de ses discours, sa manie de pisser du concept et le côté brouillon, survolté ou inspiré du personnage. Lanzac en profite pour égratigner les petites intrigues de palais tout en louant l’efficacité et la modestie de M. Maupas, pilier du ministère, et peut être le seul à véritablement savoir ce qu’il fait au sein de ce tourbillon permanent, contrairement à Arthur, le protagoniste principal de l’album, tout jeune employé du Ministère démarrant aux écritures, qui passera progressivement de l’observation amusée à une forme de subjugation pour le grand homme pressé.

La Figue

Panique en Atlantique – Une aventure de Spirou et Fantasio

Quelle frénésie que cette histoire. A tel point qu’on a plus l’impression de voir un dessin animé américain rythmé que de lire une bande dessinée. Manque juste un petit « that’s all folks » en conclusion de l’album. Le graphisme proche de bon nombre de cartoons, les gestuelles et les expressions très outrées renforcent ce sentiment d’être devant une animation de Warner Bros. Il ne manque que des bruitages de démarrage de course poursuite ainsi que des personnages reconstitués après chaque explosion de dynamite.

De ce point de vue Fabrice Parme réussit son immersion dans les années 50 moment de cette histoire. Le scénario enchaine les situations loufoques : certains fans n’apprécieront pas ce dévergondage mais après tout l’esprit du one shot est de laisser différents auteurs interpréter à leur façon la série. Alors pourquoi bouder cette aventure de Spirou et Fantasio qui laisse peu de temps au répits et pas une seconde à l’ennui.

La Figue

Top Ouf – Les formidables aventures sans Lapinot

Quand la vie est trop ennuyeuse rien de tel qu’un pari absurde pour lui redonner un peu de piment. Le ton mélancolique des albums avec ou sans le regretté Lapinot est souvent contrebalancé par les extravagances de Richard. Ce dernier brandit haut et fort, que ce soit à une terrasse de café ou sur le podium d’une discothèque,la potacherie, comme ultime rempart à la une vie un peu trop poisseuse que le dessin volontairement naïf de Trondheim vient rend encore plus douce et amère.

Comme souvent l’auteur incorpore un élément fantastique qui lui permet de façonner une intrigue et de poser une question philosophique comme le faisait « La quatrième dimension ». Ici la question est de savoir ce qui se passerait si du jour au lendemain on devenait irrésistible, si quoi qu’on dise, quoiqu’on fasse ou pas, le monde entier se trainait à vos pieds. Quelle conséquences et quelle valeur donner à cela.

Comme toujours les héros ne sont pas vraiment des héros. Ils peuvent être roublars et n’hésitent pas à faire preuve de le plus vile des bassesses avec leur proche. Richard dont la gaieté et l’humour même dans les moments les plus graves sont conservés semble cependant avoir gagné une espèce de profondeur qu’on ne lui connaissait pas, un peu comme s’il avait hérité des facultés de raisonnement de Lapinot et ses questionnements moraux. Une très belle conclusion à la dernière planche de cette histoire vient absoudre les petites vilénies de cette bande.

La Figue