Le piège machavelique – Philip et Francis

Pour un français, l’Angleterre est un pays qui lui semble déjà décalé : on roule à gauche, les policiers ne sont pas armés, le poulet est à la menthe et la musique y est pop. Et bien prenez ce pays décalé et décalez le encore : vous obtenez l’univers loufoque du piège machiavélique imaginé par Veys. Les bus Imperiales sont plus simples mais triple étage, les taxis sont aveugles, Olrik est premier ministre de Grande Bretagne, et plus grave, Marks et Spencer n’existe plus et c’est une chaîne appelée Spencer e Marks qui a pris sa place. Anguishing isn’t it ?

La ligne claire, déformée et animée, au servie du détournement et de l’humour de Nicols Barral ajoute un côté sale gosse, fier de son crime de lèse majesté à envers cette série dont on parcourt le présent tome avec plaisir.

Lafigue

L’Île aux cent mille morts

L’histoire semble enfantine mais regorge en fait de tristesse et d’humour un brin désabusé. La façon dont Jason dessine les yeux de ses personnage c’est à dire un cercle blanc, sans pupille, renforce le côté angoissant de cette fable de pirates. Ajouter à cela une situation absurde – une école de bourreau sur une île – et vous aurez une idée du ton doux-amer de ce one-shot. La cruauté légendaire des pirates vous fera également vite oublier que vous tenez un illustré entre les mains.

C’est qu’il nous fait vite passer le goût de la rigolade, Fabien Vehlmann. On rit et on est déprimé en même temps, un peu comme à la lecture des Donjons ou des Lapinots de Trondheim que les auteurs doivent avoir lu et correctement digéré. Dommage qu’il n’y ait pas de suite à cette histoire bouclée en un volume.

Lafigue

Lucky Luke contre Pinkerton

Voici faite la démonstration qu’une longue série n’est pas irrémédiablement condamnée à s’auto-détruire. Bien souvent, quelque soit le prestige de la série ou le talent de ses auteurs, la plupart voit leur qualité décliner et ne doivent leur continuation que grâce à la dévotion de leurs fans. Rien de plus triste que de voir une série qu’on a aimée sombrer dans l’auto-célébration, pire l’auto-dérision synonyme du plus cruel manque d’inspiration.

Les Celinedionneries québécoises de Gerra ont cédé la place au travail de Daniel Pennac et de Tonino Benacquista déjà largement connus pour leurs travail de romancier. Tant dans l’humour que dans le sujet choisi, on est un cran au-dessus. La série de gags en page 29 sur la délation, pivot du système Pinkerton, souligne avec humour l’univers pré-Kavkaïen de la célèbre agence de renseignement. L’accent est tellement mis sur l’entreprise totalisatrice de Pinkerton qu’on se demande si les auteurs n’ont pas entrepris un album politique.

Les méthodes modernes de l’agence sont l’occasion d’un petit clin d’œil à la série télévisée « Les Experts ». Deux moments particulièrement réussis comme les planches détaillant les méthodes de filatures et de surveillances des agents de Pinkerton et celles concernant la rumeur de la mort de Lincoln sont parmi les plus rôles de l’album. Quant au dessin de Achdé, il est irréprochable et totalement fidèle à celui de Morris.

La Figue.

Spéculation et sentiments – Dans mon open space

Après s’être attaqué au marketing, à l’exploitation des stagiaires, à la cuistrerie des commerciaux et la cruauté de la direction, James aborde de nouveaux thèmes ou situations classiques de l’entreprise.

Il traite de la difficulté de poser sa démission quand de possibles meilleurs horizons appellent l’employé qui doit se faire violence pour passer outre les techniques de chantages affectifs. Certains strips sont des allusions directes à l’actualité comme celles évoquant le trader spéculo dépendant, le PDG horrifié par l’arrivée de la grippe annonciatrice de nombreuses absences pour maladie ou encore le patronat récemment converti à l’écologie.

On rit souvent et cela sent le vécut parfois. A se demander si James n’aurait pas une double vie en entreprise en plus de son métier de dessinateur.