Concurrence déloyale – Le tueur

Difficile de se renouveler quand on a déjà disserté trois à quatre fois sur la série du tueur. Et pourtant à chaque album, l’œil découvre une nouveauté qui le régale graphiquement. On pourra pour ce volume citer la planche où le tueur marche dans la désert : les perspectives et la façon de colorier le désert réjouissent. Le trait de Jacomon tantôt fin, tantôt épais, parfois en pointillé constitue un des points d’observation de son style désormais bien installé dans le paysage de la bande dessinée.

Cet album plus bavard qu’à l’accoutumée ne contient étrangement qu’une seule scène d’action. Il est également l’occasion d’une certaine forme de notabilisation du Tueur qui va désormais avoir un peu de mal à nous dérouler, au fil de l’histoire, ses considérations anarcho-cyniques sur le monde et les hommes. Attendons de découvrir la suite pour voir quelle sera la justification idéologique de ce tournant.

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Contre le reste du monde – Les frères Zimmer

Jeremy Mahot, ingénieur informatique de formation met dans cet ouvrage la géométrie et le minimalisme au service de la blague. Il décide ici de travailler avec des formes simples auxquelles deux bons yeux expressifs et une bouche habilement placée viennent insuffler de l’humanité. Dès lors, cubes, sphères, gélules prennent vie dans une ville stylisée. Le grain des couleurs et les quelques ombres posées ça et là suffisent à contrer la froideur qu’aurait pu développer ce style graphique tout en palette numérique.

De bons gags construits sur une page sont reliés entre eux par un fil conducteur allant des relations en entreprises à l’échec des relations amoureuses en passant par les obsessions des des deux protagonistes. L’auteur joue même de l’auto-dérision sur ses choix graphiques en emmenant ses personnages scruter de l’art abstrait qui, quand bien même de leur nature cubiste ou vasariliesque, les laisse absolument froids.

L’ensemble donne une impression d’épure tant d’un point de visuel que quant aux petites histoires elles même, ce qui n’est absolument pas désagréable en cas d’esprit saturé. Sans doute une des très bonnes surprises de cette année.

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L’apocalypse selon Saint Jacky – Blast

Il est des formats de bande dessinée que peu d’auteurs oseraient proposer à un éditeur. « L’Apocalypse selon Saint Jacky » contient pas moins de 200 pages quasiment toutes en noir et blanc. Ajouter à cela que le thème de l’histoire tourne autour du dépouillement matériel, d’une certaine forme de recherche spirituelle ou encore de la désocialisation, et vous obtenez ce qui est communément appelé une œuvre difficile.

Mais seulement voilà, quand le dessinateur et le scénariste ne sont autres que Manu Larcenet, il faudrait de la part d’un éditeur être fou pour ne pas publier cette histoire, et de la part d’un lecteur lambda être devenu oublieux de séries telles que « Le Combat Ordinaire » ou « Le Retour à la Terre ». Quand on se souvient des planches de Larcenet chez Fluide Glacial avec son héros « Bill Baroud », on se demande quel trajet étrange a pu suivre son cerveau pour arriver à une histoire aussi noire et désenchantée que celle qu’il nous propose ici. Même si on sentait poindre dans « Le Combat Ordinaire » une forme de dépression ou de doute mélancolique, on peut avoir quelques inquiétudes sur le moral de Larcenet à la lecture des premières planches du présent ouvrage.

L’ensemble des dessins est en lavis de gris ; les couleurs, toutes en crayonnés enfantins, ne sont employées que quand le héros, Polza Mancini, parvient à atteindre ce qu’il nomme l’état de blast. Le blast désigne habituellement les effets sur l’intérieur d’un corps provoqués par une explosion. Ici c’est presque la même chose excepté que l’explosion n’est pas provoquée par une bombe mais par un choc psychique. Dans le tome précédent c’est la mort du père du héros qui avait déclenché son premier blast. Depuis, il a quitté son travail et vagabonde sur les routes pour tenter de retrouver cet état de blast.

On retrouve dans cet album quelques obsessions de Manu Larcenet. Au delà des relations père-fils ou du manque de sociabilisation, on retrouve l’aversion de l’auteur pour les chasseurs et pour la violence de groupe. L’histoire policière, quant à elle, commence à structurer de plus en plus le récit, tandis qu’est de plus en plus accentué le dégoût du héros de lui même, et qu’est d’avantage développé le sens de sa démarche.

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Pierre qui roule

Enfin une bande dessinée biographique qui ne se contente pas de dérouler platement le CV de la personnalité. Car il faut l’avouer, le genre du biopic produit des ouvrages bien souvent assez ennuyeux. L’exercice est difficile dans la mesure où tout est connu d’avance. Le cadre est ici identique voire encore plus risqué qu’à l’accoutumée. Les Rolling Stones sont connus de près ou de loin par la planète entière. On sait à peu près tous que Brian Jones est mort dans les années 60, que la formation a du fuir l’Angleterre pour échapper à des poursuites pour usage de stupéfiants, que les Hells Angels, assurant le service d’ordre de leur concert, ont réussi grâce à leur fine acuité dans la vigilance et la bêtise à tuer un spectateur er enfin on sait en général qu’ils ont sorti un album designé par Andy Wharol avec une braguette sur la pochette.

Ce qu’on connait moins ce sont leur débuts que traitent ici les auteurs, en mettant en scène la rencontre entre Mick Jager et Keith Richards à Dartford, dans la banlieue Londonienne. Ces fins lettrés du blues se découvrent une passion commune. Keith, jeune prolétarien anglais, la cigarette vissée à la bouche est d’un naturel flegmatique alors que Mick, ambitieux, veut casser la baraque mondiale et délivrer aux foules un message de sex and drugs and Rok’n Roll. Mais pour l’instant Mick ronge son frein et doit se contenter de triper en buvant du thé et en mangeant le pudding de sa mère.

Les gags construits sur une demi page sont nombreux et réussis, les personnages sont très expressifs. Les couleurs et le rythme soutenu de l’album en font une réussite. Pourvu que cela dure.

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