metrofolies

  

Ce projet de série conte les tribulations métropolitaines de trois jeunes gens et d’un bull terrier dont la vie se déroule principalement dans les transports en communs de la région parisienne.

Peu enclins à s’aquitter régulièrement de leurs titres de transport quelle qu’en soit la forme ( ticket, pass magnétique, sourire obséquieux…), ceux-ci ont régulièrement à faire aux escouades de contrôleurs qui hantent les couloirs du métro et ratissent les villes de banlieue les plus lointaines… certaines situées parfois même aux portes de l’Ile de France. Nos héros ne facilitent pas la tâche aux milices ferroviaires et n’hésitent pas à mener la vie rude et solitaire des grugeurs. Personne jusqu’à maintenant ne s’était vraiment penché sur les véritables exploits que réalisent tout les jours ces héros du quotidien.

Il n’existe aucune étude sérieuse, pas de thèse universitaire, pas même une rédaction de 3eme traitant du sujet. Cet oubli est aujourd’hui réparé et ces quelques planches sont là pour rendre hommage à ces êtres hors norme.

L’art de voler

Si vous avez raté le début : Le père d’Antonio Altarriba s’est réellement suicidé à 90 ans. Son fils raconte, en se substituant narrativement à son père, l’histoire de ce dernier depuis son enfance en Aragon dans l’Espagne pauvre et agricole du début du siècle jusqu’à la guerre civile.

Difficile de refermer cet ouvrage sans imaginer le nombre de renoncements qui ont parsemé la vie d’Antonio Altarriba. Difficile de ne pas ressentir l’amertume du héros de cette histoire qui n’en est pas vraiment une, puisque que c’est bien la vie réelle d’un homme qui est ici exposée. Plus qu’exposé, le parcours d »Antonio est disséqué jusqu’à l’écoeurement.

Né dans l’Espagne agricole et pauvre du début du siècle, Antonio ne rêve que de conduire une Hispano-suiza. La guerre civile lui en donnera l’occasion comme elle lui donnera l’occasion de côtoyer la peur, la mort, la camaraderie, la bêtise militaire, l’impudence des convertis au fascisme. Plus victime des événements que véritable instigateur de ces derniers, Antonio est balloté au gré de son existence, et malgré sa participation à la grande histoire, il ne donne pas l’impression d’être un grand héros. D’ailleurs le veut il vraiment ? Son engagement chez les Républicains se fait au départ plus par révolte contre les brimades des soldats de sa brigade que par réelle conviction idéologique. Comment pourrait il en être autrement pour un garçon qui a à peine connu l’école ? Cependant la franche amitié des soldats défenseurs de la République et leur refus d’être les simples pions d’une hiérarchie vont durablement marquer Antonio. Honnête, travailleur, loyal, il va devoir au gré des revirement de l’histoire apprendre le mensonge, l’hypocrisie et le double jeu. Son instinct de survie lui permettra toujours de rebondir mais la vie ne l’épargnera jamais.

Le dessin semi-réaliste, approchant un peu de celui de Crumb, se prête très bien à cette biographie faisant sans cesse des allers retours entre la grande et la petite histoire, faite, elle, essentiellement de la nécessité de subvenir aux besoins vitaux. Le noir et blanc renforce l’austérité d’un propos jamais ennuyeux. On regrettera que l’auteur a un peu trop usé de la psychanalyse dans le premier chapitre ce qui déshumanise un peu les relations père-fils de l’auteur. L’ouvrage demeure somptueux et on ne peut rester indifférent à cette vie, celle d’un homme auquel le vingtième siècle n’aura rien épargné.

Lafigue

Paname – Univerne

Nesmo nous offre un Paris à cheval entre l’esthétique urbaine de la fin du dix-neuvième siècle et le gigantisme que seul notre époque permet. Il a du feuilleter les anticipations de ce que serait le Paris aujourd’hui imaginé par nos ancêtres. Fortement imprégnés par la 2eme révolution industrielle et ses avancées techniques, les auteurs créent une ville où les styles d’Eiffel, de Guimard, d’Haussmann et de l’Art Déco se télescopent avec des envolées architecturales futuristes. Les ballons dirigeables ressemblent à des baleines, les habitants de la ville ont l’élégance de la belle époque et tout est fait pour rappeler l’empreinte de Jules Verne au fur et à mesure de l’histoire. Cette cité, rassurante par sa haute avancée technologique, belle de par ses lignes est véritablement un personnage à part entière de cette histoire.

L’héroïne à laquelle pétroleuses et suffragettes pourraient décerner un certificat de conduite féministe, toute en gouillarie, se rit bien de la mâle mégalomanie de monsieur Tesla qui, ici, ne se contente pas d’explorer les propriétés des champs magnétiques mais lance la Teslavision, c’est à dire la télévision mondiale. Les célébrités de la fin du siècle dernier sont ainsi placées dans de multiples variations que cette uchronie pousse à l’envie. Les couleurs en aplat faites sur ordinateur et le dynamisme du trait viennent renforcer cette effet de contraste entre passé et futur. On préférera les tons chauds du début aux turquoises employés dans les scènes de fin pendant les combats. Les auteurs n’hésitent pas à utiliser le procédé des vignettes obliques pour les scènes d’action ou à poser des vignettes sur une image de fond. Ceci témoigne d’un bon sens de la mise en page et du découpage à opérer pour assurer la meilleure narration possible.

Que la suite advienne et vite.

Lafigue.