On imagine souvent le mouvement romantique comme le paroxysme de la sensiblerie autour duquel pullule une armada de chochottes fondant en larmes à la moindre vue d’une aile de papillon. En dehors de toute considération de style où je ne m’aventurerai pas, c’est peut être la violence extrême des sentiments qui caractérise le mieux ce courant littéraire.
L’adaptation de l’œuvre de Musset illustre ce déferlement des conflits intérieurs et capte l’antagonisme incessant entre la volonté d’atteindre les plus beaux idéaux et le tangible d’un insidieux renoncement. Lorenzaccio, jeune, beau, patricien, élevé dans l’idéal républicain, se met cependant au service du tyran sans qu’on comprenne véritablement ses raisons. Il se moque du manque de courage des habitants de Florence, il raille les partisans de la république autant qu’il se rit avec perversité de la pudeur de jeunes femmes nubiles qu’il livre sans vergogne à son maître. Son teint livide rappelle celui du clown blanc qui se permettrait toutes les extravagances. Son impertinence est celle du bouffon du roi, ses yeux gorgées d’alcool et son regard triste viennent à renforcer l’ambiance lourde et malsaine qui suit son passage. Peut être s’est il lié au despote car seul ce dernier est capable de mettre à nu la Vérité, d’une part par sa débauche qui exonère le souverain de toute convention sociale, d’autre part par la peur qu’il distille et la répression qui révèle les hommes à eux même en éprouvant leur courage. Cette recherche de l’idéal de la Vérité passe donc par la mise au service du Mal de Lorenzaccio.
L’histoire se déroule dans la Florence du XVIeme siècle mais Regis Penet parsème ses planches de détails rappelant le XIXeme siècle, permettant au thème ainsi exposé du pouvoir corrupteur de cheminer facilement jusqu’à nous. Le ton est souvent glaçant, voire sinistre, sans que le style poétique de Musset, dont la présente adaptation cite quelques vers, ne rende l’ensemble ampoulé. Les fans de bande dessinée se rappelleront de l’ambiance décadente de fin de règne qui emplit l’album de Thorgal « La chute de Brek Zarith ». Ils retrouveront un peu le dessin de Philippe Delaby et les couleurs de Jérémy Petiqueux dans la série Murena. Le graphisme dans son ensemble est de très grande qualité et s’accorde très bien à l’œuvre originale.
Lafigue

Si cette histoire a un mérite, c’est celui de donner une petite idée de ce que pouvait vivre les allemands à l’époque de la séparation de l’Allemagne en RDA et RFA. On ressent vraiment cette ligne de démarcation traversant Paris comme une balafre traverse le pays. Rien de fantasque à cette légère courbe qu’aurait pu prendre l’histoire (une tempête anéantissant le débarquement de Normandie). Churchill dont on connait certains aspects machiavéliques aurait dans cette fiction possiblement participé à la mort de Charles de Gaulle. Les personnages célèbres sont proches de leurs doubles réels mais remplissent des tâches historiques autres que celles qu’on leur connait. Les autres personnages issus purement du scénario s’insèrent ainsi auprès d’hommes et de femmes célèbres eux même légèrement fictifs.
La tension s’installe durablement dans la série, et on en peu plus d’attendre que n’éclate la folie meurtrière de Néron. Les auteurs semblent retarder l’instant le plus longtemps possible, procédé restituant une nervosité des personnages chez le lecteur.
Oubliez Nestor Burma un instant et ouvrez « Putain de Guerre » : mieux qu’un cours d’histoire tant Tardi a apporté de soin à détailler la vie des poilus. Dans « C’était la guerre des tranchées », Tardi avait fait le choix de traiter des histoires individuelles, chacunes symptomatiques des thèmes de la Grande Guerre : rôle des gendarmes, « bavures » de l’artillerie, desertions etc. Ce prisme renforçait la proximité du lecteur avec ces soldats et n’en rendait que plus atroce la grande boucherie.