Pierre qui roule

Enfin une bande dessinée biographique qui ne se contente pas de dérouler platement le CV de la personnalité. Car il faut l’avouer, le genre du biopic produit des ouvrages bien souvent assez ennuyeux. L’exercice est difficile dans la mesure où tout est connu d’avance. Le cadre est ici identique voire encore plus risqué qu’à l’accoutumée. Les Rolling Stones sont connus de près ou de loin par la planète entière. On sait à peu près tous que Brian Jones est mort dans les années 60, que la formation a du fuir l’Angleterre pour échapper à des poursuites pour usage de stupéfiants, que les Hells Angels, assurant le service d’ordre de leur concert, ont réussi grâce à leur fine acuité dans la vigilance et la bêtise à tuer un spectateur er enfin on sait en général qu’ils ont sorti un album designé par Andy Wharol avec une braguette sur la pochette.

Ce qu’on connait moins ce sont leur débuts que traitent ici les auteurs, en mettant en scène la rencontre entre Mick Jager et Keith Richards à Dartford, dans la banlieue Londonienne. Ces fins lettrés du blues se découvrent une passion commune. Keith, jeune prolétarien anglais, la cigarette vissée à la bouche est d’un naturel flegmatique alors que Mick, ambitieux, veut casser la baraque mondiale et délivrer aux foules un message de sex and drugs and Rok’n Roll. Mais pour l’instant Mick ronge son frein et doit se contenter de triper en buvant du thé et en mangeant le pudding de sa mère.

Les gags construits sur une demi page sont nombreux et réussis, les personnages sont très expressifs. Les couleurs et le rythme soutenu de l’album en font une réussite. Pourvu que cela dure.

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Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ? – Ralph Azham

Si vous avez raté le début : Ralph Azham est détesté par l’ensemble des habitants de son village. En effet, pressenti pour être l’élu, il n’est finalement dépositaire que du don de voir les morts et les naissances. Régulièrement rossé par les villageois, il retrouve un peu de crédit auprès de ses concitoyens, en repoussant une horde hostile, ce qui va lui mettre un peu de baume au cœur pour entamer une quête périlleuse. Forcément périlleuse, parce que sinon c’est pas la peine de se casser la nénette à faire des quêtes à tous les confins du monde connu !

Qu’on se le dise, Trondheim est en forme. Cette nouvelle série trouve immédiatement son ton et le lecteur retrouve lui l’humour empreint de tristesse qui caractérise ses œuvres. Des considérations philosophiques sur la vie ou les rapport humains parsèment l’histoire, un peu comme le faisait Lapinot.

Tondheim construit son récit à rebours en nous livrant petit à petit les éléments nécessaires à la compréhension. Il profite de cet album pour changer un peu la couleur qui ici a une texture moins froide que les aplats auxquels il nous a habitué dans ses « Petits riens de Lewis Trondheim » notamment . On sent bien qu’il se régale dans le genre de l’héroïc-fantasy, où régulièrement des personnages principaux, souvent faibles et un peu couards, parviennent toujours à faire en sorte que l’on s’attache à eux. Ici, le protagoniste central, Ralph est un anti-héros qui rassemble un peu le cynisme de Richard et l’humour mélancolique du regretté Lapinot.

Sachant que l’auteur n’hésite pas à faire mourir ses personnages, recommandons simplement au lecteur de ne pas trop s’attacher à ce héros et encore moins aux seconds rôles. Il n’est pas impossible que l’on perde du monde en route.

En route pour le suivant

Lafigue.

Le piège machavelique – Philip et Francis

Pour un français, l’Angleterre est un pays qui lui semble déjà décalé : on roule à gauche, les policiers ne sont pas armés, le poulet est à la menthe et la musique y est pop. Et bien prenez ce pays décalé et décalez le encore : vous obtenez l’univers loufoque du piège machiavélique imaginé par Veys. Les bus Imperiales sont plus simples mais triple étage, les taxis sont aveugles, Olrik est premier ministre de Grande Bretagne, et plus grave, Marks et Spencer n’existe plus et c’est une chaîne appelée Spencer e Marks qui a pris sa place. Anguishing isn’t it ?

La ligne claire, déformée et animée, au servie du détournement et de l’humour de Nicols Barral ajoute un côté sale gosse, fier de son crime de lèse majesté à envers cette série dont on parcourt le présent tome avec plaisir.

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