On devrait interdire à des auteurs de bande dessinée de prendre autant de temps pour faire un album. Cinq ans c’est long : imaginez que lorsqu’est sorti L’âme rouge, Facebook n’existait pas et qu’il ne pleuvait pas encore en Artique. Alors plus jamais ça hein ?
Une ouverture silencieuse et somptueuse toute en plans rapprochés dans des tons rouges et ocres que ne bouderait pas un cinéaste amoureux de plans léchés. Puis relâchement de la tension dès qu’on découvre nos héros assistant à un streep tease dans un cabaret de la Nouvelle Orléans.
Comme toujours Guarnio et Gomez parviennent à alterner entre le polar le plus noir et quelques notes gaies et d’espoir qu’ils distillent par endroit. On ressent un amour immodéré pour les costumes, les voitures, les objets, la littérature et toute l’iconographie de l’Amérique des années 50 parfaitement rendue et que le bestiaire crée par les auteurs investit magnifiquement. Pour se convaincre d’avantage que Blacksad est sans doute une des plus grande réussite dans la bande dessinée anthropomorphique, il n’est qu’à prêter attention aux expressions des personnages et au choix de tel ou tel animal en fonction du caractère ou du statut social du personnage inventé.
Ils nous livrent enfin de splendides vignettes comme les scènes de Carnaval où le coloriste a pu donner toute la mesure de son talent. On espère des sérigraphies pour très bientôt.
La Figue

C’est une plongée dans une violence parfois matinée de gag et d’absurde que nous propose les auteurs de ce Snuff album. Le rythme saccadé, l’univers urbain fait de flingues à gros calibres, de grosses américaines, de costumes sombres, de dessins anguleux et de tâches de sang rouge vif donne l’impression de se revisionner le Pulp Fiction de Tarentino croisé avec un vidéoclip de Gorillaz.
Impossible de ne pas voir que Fernand Torrès, le héros de l’histoire a un sosie de bande dessinée en la personne de Soda. La ressemblance est frappante mais elle s’arrête là. Fernand est encore un jeune homme obsédé par les femmes ou plutôt par une femme, sa voisine, qu’une gouvernante surement peu dupe éconduit régulièrement. Fernand aime trop la vie et ce qu’elle peut apporter pour être dans les combats politiques de son époque. Et pourtant il y plonge jusqu’au cou par amitié, par imprudence et par une espèce de talent à se mettre dans la matière fécale. Ils se décrit lui même comme un jeune con et ce candide perd très vite l’insouciance de ses jeunes années.
Deux histoires, deux scénaristes, un dessinateur capable d’adopter deux styles graphiques différents et une coloriste pouvant restituer deux univers bien distincts. Voilà l’ensemble des prouesses réalisées par l’équipe ayant travaillé sur cet album audacieux.