Le piège machavelique – Philip et Francis

Pour un français, l’Angleterre est un pays qui lui semble déjà décalé : on roule à gauche, les policiers ne sont pas armés, le poulet est à la menthe et la musique y est pop. Et bien prenez ce pays décalé et décalez le encore : vous obtenez l’univers loufoque du piège machiavélique imaginé par Veys. Les bus Imperiales sont plus simples mais triple étage, les taxis sont aveugles, Olrik est premier ministre de Grande Bretagne, et plus grave, Marks et Spencer n’existe plus et c’est une chaîne appelée Spencer e Marks qui a pris sa place. Anguishing isn’t it ?

La ligne claire, déformée et animée, au servie du détournement et de l’humour de Nicols Barral ajoute un côté sale gosse, fier de son crime de lèse majesté à envers cette série dont on parcourt le présent tome avec plaisir.

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Qui a tué le président ? – Jour J

On est toujours surpris, en lisant cette série, de la crédibilité des uchronies qui y sont proposées. Kennedy battu en 1960 et Nixon élu à sa place. Après tout d’après les communicants politiques, cette élection se serait essentiellement joué sur la mauvaise qualité de Nixon lors du débat politique télévisé entre les deux candidats que des millions d’américains avaient suivi à l’époque. Le visage brillant et dégoulinant de sueur de Nixon aurait déplu aux américains alors que le visage amical et poupin de JFK aurait d’avantage séduit.

Les années qui suivent l’élection imaginaire de Nixon sont marquées par une très forte restriction des libertés : chasse au hippie, lutte sans pitié contre les organisations d’extrême gauche telles que le Black Panthers Party ou les Weather men. On est pas loin de l’actuel Patriot Act ou des barbouzeries réellement téléguidées par Hoover, éternel directeur du FBI.

Les auteurs réalisent le fantasme de bien des étudiants contestataires des années 60 : l’assassinat de Nixon. Il ne s’agit plus de lutter contre le conflit vietnamien mais d’éviter une troisième guerre mondiale. Les scénaristes, nombreux pour l’album, construisent un récit contenant un long flash back traitant de la période indochinoise du héros. Peut être aurait il été préférable d’ajouter d’avantage de rebondissement à la partie relatant l’assassinat de Nixon plutôt que de s’attarder sur ce long retour en arrière. Mais cela ajoute un côté inéluctable à ce qui va se produire, effaçant du coup les critiques éventuelles sur la vraisemblance de cette histoire. Le dessin dynamique de Wilson Colin anime l’ensemble même si subsistent ça et là des erreurs comme cette erreur d’encrage sur la serveuse de la 5eme vignette de la page 7 : Le trait est trop fort, même dans les parties les plus éloignées du personnage. Mais cela est contrebalancé par exemple par de superbes effets d’ombres à la Franck Miller qui nous rappellent que c’est bien aux USA que se déroule cette histoire de fous.

L’Île aux cent mille morts

L’histoire semble enfantine mais regorge en fait de tristesse et d’humour un brin désabusé. La façon dont Jason dessine les yeux de ses personnage c’est à dire un cercle blanc, sans pupille, renforce le côté angoissant de cette fable de pirates. Ajouter à cela une situation absurde – une école de bourreau sur une île – et vous aurez une idée du ton doux-amer de ce one-shot. La cruauté légendaire des pirates vous fera également vite oublier que vous tenez un illustré entre les mains.

C’est qu’il nous fait vite passer le goût de la rigolade, Fabien Vehlmann. On rit et on est déprimé en même temps, un peu comme à la lecture des Donjons ou des Lapinots de Trondheim que les auteurs doivent avoir lu et correctement digéré. Dommage qu’il n’y ait pas de suite à cette histoire bouclée en un volume.

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La bataille d’Asgard – Thorgal

La série des Thorgal a toujours été teintée de bons sentiments et tout particulièrement Thorgal lui-même, héros noble, droit, ne se battant que quand on l’y oblige et n’aspirant à vivre qu’une simple vie d’homme, loin des dieux ou des pillages dont sont friands ses frères Viking. Les apparitions des dieux restaient épisodiques et ne transformaient pas la série en une saga fantastique. Mais ici ces deux éléments sont considérablement exagérés.

Après les débuts prometteurs de ce nouveau cycle, Yves Sente livre un scénario qui gâche la conclusion de cette histoire. On notera par exemple que les qualités de Thorgal ou Jolan sont sans cesse soulignées de façon excessive. La quête de Jolan débouche sur une bataille manquant de souffle et réglée en trois tirs de fléchettes. Ceci fait de son excursion au royaume des dieux vikings une joyeuse ballade de santé qu’il fait en compagnie d’une armée de bonshommes en chiffons tous droit sortis du magicien d’Oz. Un jugement de Salomon d’un Odin presque débonnaire règle la question de l’interdit bravé par le fils de Thorgal. Le dessin et sa colorisation tout à fait exceptionnelle ne suffisent malheureusement pas à pallier la faiblesse de l’histoire.

Quant aux férus de mythologie scandinave, ils en sont pour leurs frais. D’après un ami, spécialiste de la chose, les représentations des dieux sont truffées d’erreurs. Thor n’a pas la bonne couleur de cheveux. Plus grave, Odin devrait être représenté borgne (symbole du don de double vue entre passé et avenir). Sente en fait un avatar du Père Noël. Loki ressemble à un Ronald Mac Donald sournois alors que la tradition lui accorde des traits agréables.

Heureusement la partie traitant la recherche d’Aniel par Thorgal est suffisamment enlevée pour amener un regain d’intérêt pour ce tome des aventures de Thorgal assez décevant.

La Figue