Qui a tué le président ? – Jour J

On est toujours surpris, en lisant cette série, de la crédibilité des uchronies qui y sont proposées. Kennedy battu en 1960 et Nixon élu à sa place. Après tout d’après les communicants politiques, cette élection se serait essentiellement joué sur la mauvaise qualité de Nixon lors du débat politique télévisé entre les deux candidats que des millions d’américains avaient suivi à l’époque. Le visage brillant et dégoulinant de sueur de Nixon aurait déplu aux américains alors que le visage amical et poupin de JFK aurait d’avantage séduit.

Les années qui suivent l’élection imaginaire de Nixon sont marquées par une très forte restriction des libertés : chasse au hippie, lutte sans pitié contre les organisations d’extrême gauche telles que le Black Panthers Party ou les Weather men. On est pas loin de l’actuel Patriot Act ou des barbouzeries réellement téléguidées par Hoover, éternel directeur du FBI.

Les auteurs réalisent le fantasme de bien des étudiants contestataires des années 60 : l’assassinat de Nixon. Il ne s’agit plus de lutter contre le conflit vietnamien mais d’éviter une troisième guerre mondiale. Les scénaristes, nombreux pour l’album, construisent un récit contenant un long flash back traitant de la période indochinoise du héros. Peut être aurait il été préférable d’ajouter d’avantage de rebondissement à la partie relatant l’assassinat de Nixon plutôt que de s’attarder sur ce long retour en arrière. Mais cela ajoute un côté inéluctable à ce qui va se produire, effaçant du coup les critiques éventuelles sur la vraisemblance de cette histoire. Le dessin dynamique de Wilson Colin anime l’ensemble même si subsistent ça et là des erreurs comme cette erreur d’encrage sur la serveuse de la 5eme vignette de la page 7 : Le trait est trop fort, même dans les parties les plus éloignées du personnage. Mais cela est contrebalancé par exemple par de superbes effets d’ombres à la Franck Miller qui nous rappellent que c’est bien aux USA que se déroule cette histoire de fous.

L’Île aux cent mille morts

L’histoire semble enfantine mais regorge en fait de tristesse et d’humour un brin désabusé. La façon dont Jason dessine les yeux de ses personnage c’est à dire un cercle blanc, sans pupille, renforce le côté angoissant de cette fable de pirates. Ajouter à cela une situation absurde – une école de bourreau sur une île – et vous aurez une idée du ton doux-amer de ce one-shot. La cruauté légendaire des pirates vous fera également vite oublier que vous tenez un illustré entre les mains.

C’est qu’il nous fait vite passer le goût de la rigolade, Fabien Vehlmann. On rit et on est déprimé en même temps, un peu comme à la lecture des Donjons ou des Lapinots de Trondheim que les auteurs doivent avoir lu et correctement digéré. Dommage qu’il n’y ait pas de suite à cette histoire bouclée en un volume.

Lafigue

La bataille d’Asgard – Thorgal

La série des Thorgal a toujours été teintée de bons sentiments et tout particulièrement Thorgal lui-même, héros noble, droit, ne se battant que quand on l’y oblige et n’aspirant à vivre qu’une simple vie d’homme, loin des dieux ou des pillages dont sont friands ses frères Viking. Les apparitions des dieux restaient épisodiques et ne transformaient pas la série en une saga fantastique. Mais ici ces deux éléments sont considérablement exagérés.

Après les débuts prometteurs de ce nouveau cycle, Yves Sente livre un scénario qui gâche la conclusion de cette histoire. On notera par exemple que les qualités de Thorgal ou Jolan sont sans cesse soulignées de façon excessive. La quête de Jolan débouche sur une bataille manquant de souffle et réglée en trois tirs de fléchettes. Ceci fait de son excursion au royaume des dieux vikings une joyeuse ballade de santé qu’il fait en compagnie d’une armée de bonshommes en chiffons tous droit sortis du magicien d’Oz. Un jugement de Salomon d’un Odin presque débonnaire règle la question de l’interdit bravé par le fils de Thorgal. Le dessin et sa colorisation tout à fait exceptionnelle ne suffisent malheureusement pas à pallier la faiblesse de l’histoire.

Quant aux férus de mythologie scandinave, ils en sont pour leurs frais. D’après un ami, spécialiste de la chose, les représentations des dieux sont truffées d’erreurs. Thor n’a pas la bonne couleur de cheveux. Plus grave, Odin devrait être représenté borgne (symbole du don de double vue entre passé et avenir). Sente en fait un avatar du Père Noël. Loki ressemble à un Ronald Mac Donald sournois alors que la tradition lui accorde des traits agréables.

Heureusement la partie traitant la recherche d’Aniel par Thorgal est suffisamment enlevée pour amener un regain d’intérêt pour ce tome des aventures de Thorgal assez décevant.

La Figue

Un nommé Boyington – L’escadrille des têtes brûlées

Bien loin du personnage incarné par Robert Conrad à l’écran dans la série « Les têtes brûlées » (Baa Baa Black Sheep en version originale), déjà buveur, indiscipliné et bagarreur, Pierre Veys nous libre un Pépé Boyington super alcoolique, super indiscipliné et super bagarreur, sans doute plus proche de la réalité. Le maître mot de cet album est le réalisme, tant sur la biographie du héros que sur le soin apporté aux avions et aux figures et tactiques aériennes.

La réalité est un peu sèche car on attend bien longtemps avant de voir Pépé commettre ses premiers exploits dans la Chine envahie par les japonais. Cloué au sol il doit ronger son frein avant de pouvoir se livrer à quelques acrobaties à bord, non pas encore du célèbre Corsair, mais du modèle P-40 dont la tête de requin dessinée sur la carlingue avant lui donne un air plus que hostile.On aurait souhaité que les coloris des personnages soient aussi réussis que ceux des différents modèles d’avion. En effet celle-ci est trop lisse pour un dessin aussi réaliste, y compris dans ses effets de dégradé, et donne un rendu assez froid qui donne l’impression d’avoir des personnages en cire plutôt qu’en chair et en os. De plus le mode de narration très ancré sur les bandeaux de textes des hauts de vignettes enlève beaucoup de dynamisme à l’histoire. On a plus l’impression d’un dessin illustrant du texte plutôt qu’ une action narrative avec une forte interaction entre le texte et l’image, caractère propre à la bande dessinée. Cela gâche un peu le réel plaisir qu’on a de retrouver un des héros de notre enfance. Mais l’impatience que le lecteur a de voir Boyington déployer tous ses talents sur le théâtre d’opération qu’on lui connait compense très largement les critiques qu’on peut faire de ce premier tome.

Lafigue.