Paname – Univerne

Nesmo nous offre un Paris à cheval entre l’esthétique urbaine de la fin du dix-neuvième siècle et le gigantisme que seul notre époque permet. Il a du feuilleter les anticipations de ce que serait le Paris aujourd’hui imaginé par nos ancêtres. Fortement imprégnés par la 2eme révolution industrielle et ses avancées techniques, les auteurs créent une ville où les styles d’Eiffel, de Guimard, d’Haussmann et de l’Art Déco se télescopent avec des envolées architecturales futuristes. Les ballons dirigeables ressemblent à des baleines, les habitants de la ville ont l’élégance de la belle époque et tout est fait pour rappeler l’empreinte de Jules Verne au fur et à mesure de l’histoire. Cette cité, rassurante par sa haute avancée technologique, belle de par ses lignes est véritablement un personnage à part entière de cette histoire.

L’héroïne à laquelle pétroleuses et suffragettes pourraient décerner un certificat de conduite féministe, toute en gouillarie, se rit bien de la mâle mégalomanie de monsieur Tesla qui, ici, ne se contente pas d’explorer les propriétés des champs magnétiques mais lance la Teslavision, c’est à dire la télévision mondiale. Les célébrités de la fin du siècle dernier sont ainsi placées dans de multiples variations que cette uchronie pousse à l’envie. Les couleurs en aplat faites sur ordinateur et le dynamisme du trait viennent renforcer cette effet de contraste entre passé et futur. On préférera les tons chauds du début aux turquoises employés dans les scènes de fin pendant les combats. Les auteurs n’hésitent pas à utiliser le procédé des vignettes obliques pour les scènes d’action ou à poser des vignettes sur une image de fond. Ceci témoigne d’un bon sens de la mise en page et du découpage à opérer pour assurer la meilleure narration possible.

Que la suite advienne et vite.

Lafigue.

L’apocalypse selon Saint Jacky – Blast

Il est des formats de bande dessinée que peu d’auteurs oseraient proposer à un éditeur. « L’Apocalypse selon Saint Jacky » contient pas moins de 200 pages quasiment toutes en noir et blanc. Ajouter à cela que le thème de l’histoire tourne autour du dépouillement matériel, d’une certaine forme de recherche spirituelle ou encore de la désocialisation, et vous obtenez ce qui est communément appelé une œuvre difficile.

Mais seulement voilà, quand le dessinateur et le scénariste ne sont autres que Manu Larcenet, il faudrait de la part d’un éditeur être fou pour ne pas publier cette histoire, et de la part d’un lecteur lambda être devenu oublieux de séries telles que « Le Combat Ordinaire » ou « Le Retour à la Terre ». Quand on se souvient des planches de Larcenet chez Fluide Glacial avec son héros « Bill Baroud », on se demande quel trajet étrange a pu suivre son cerveau pour arriver à une histoire aussi noire et désenchantée que celle qu’il nous propose ici. Même si on sentait poindre dans « Le Combat Ordinaire » une forme de dépression ou de doute mélancolique, on peut avoir quelques inquiétudes sur le moral de Larcenet à la lecture des premières planches du présent ouvrage.

L’ensemble des dessins est en lavis de gris ; les couleurs, toutes en crayonnés enfantins, ne sont employées que quand le héros, Polza Mancini, parvient à atteindre ce qu’il nomme l’état de blast. Le blast désigne habituellement les effets sur l’intérieur d’un corps provoqués par une explosion. Ici c’est presque la même chose excepté que l’explosion n’est pas provoquée par une bombe mais par un choc psychique. Dans le tome précédent c’est la mort du père du héros qui avait déclenché son premier blast. Depuis, il a quitté son travail et vagabonde sur les routes pour tenter de retrouver cet état de blast.

On retrouve dans cet album quelques obsessions de Manu Larcenet. Au delà des relations père-fils ou du manque de sociabilisation, on retrouve l’aversion de l’auteur pour les chasseurs et pour la violence de groupe. L’histoire policière, quant à elle, commence à structurer de plus en plus le récit, tandis qu’est de plus en plus accentué le dégoût du héros de lui même, et qu’est d’avantage développé le sens de sa démarche.

Lafigue.

Qui a tué le président ? – Jour J

On est toujours surpris, en lisant cette série, de la crédibilité des uchronies qui y sont proposées. Kennedy battu en 1960 et Nixon élu à sa place. Après tout d’après les communicants politiques, cette élection se serait essentiellement joué sur la mauvaise qualité de Nixon lors du débat politique télévisé entre les deux candidats que des millions d’américains avaient suivi à l’époque. Le visage brillant et dégoulinant de sueur de Nixon aurait déplu aux américains alors que le visage amical et poupin de JFK aurait d’avantage séduit.

Les années qui suivent l’élection imaginaire de Nixon sont marquées par une très forte restriction des libertés : chasse au hippie, lutte sans pitié contre les organisations d’extrême gauche telles que le Black Panthers Party ou les Weather men. On est pas loin de l’actuel Patriot Act ou des barbouzeries réellement téléguidées par Hoover, éternel directeur du FBI.

Les auteurs réalisent le fantasme de bien des étudiants contestataires des années 60 : l’assassinat de Nixon. Il ne s’agit plus de lutter contre le conflit vietnamien mais d’éviter une troisième guerre mondiale. Les scénaristes, nombreux pour l’album, construisent un récit contenant un long flash back traitant de la période indochinoise du héros. Peut être aurait il été préférable d’ajouter d’avantage de rebondissement à la partie relatant l’assassinat de Nixon plutôt que de s’attarder sur ce long retour en arrière. Mais cela ajoute un côté inéluctable à ce qui va se produire, effaçant du coup les critiques éventuelles sur la vraisemblance de cette histoire. Le dessin dynamique de Wilson Colin anime l’ensemble même si subsistent ça et là des erreurs comme cette erreur d’encrage sur la serveuse de la 5eme vignette de la page 7 : Le trait est trop fort, même dans les parties les plus éloignées du personnage. Mais cela est contrebalancé par exemple par de superbes effets d’ombres à la Franck Miller qui nous rappellent que c’est bien aux USA que se déroule cette histoire de fous.

Dieu en personne

Au moment de devoir donner son identité lors du recensement de la population, un vieil homme déclare à l’agent fonctionnaire qu’il s’appelle Dieu. Suite à plusieurs prodiges, les hommes doivent bien admettre qu’il ont face à eux l’Etre Suprême.

Dès lors est organisé un gigantesque procès pour établir la responsabilité de Dieu sur ce qui est. La liste des plaignants est gigantesque et c’est une division d’avocat entière qui assure la défense de Dieu. S’est il contenté d’initier le monde et la suite ne serait qu’une succession enchainements causaux. La démonstration de l’existence de Dieu ne serait elle pas que la preuve de sa non existence ? Le procès est prétexte à différentes controverses philosophiques. C’est un régal de voire avocats et procureurs s’objecter toute une kyrielle d’arguments. Et le choix du dessin sobre est propice à recueillir toutes ces réflexions métaphysiques.

Les communicants s’emparent très vite du phénomène et lancent un plan markéting mondial destiné à assurer la promotion de leur vedette. Quelques courtes et habiles mise en abîme dans la narration permettent à cette histoire de se dérouler à plusieurs niveau jusqu’au coup de théâtre final.

La Figue